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Surprise thoracique chez un chat

Le cas clinique de radiologie d’Alliance

Publié le 11/01/2024

Dr vétérinaire Madeline FORISSIER, assistante d’imagerie médicale 

Dr vétérinaire Anaïs COMBES, DipECVDI, PhD, EBVS European Specialist in Veterinary Diagnostic Imaging 

Un chat de 8 ans est présenté pour vomissements évoluant depuis trois jours. À l’examen clinique, le chat présente une palpation abdominale douloureuse. Des radiographies abdominales (photo 1) puis thoraciques (photos 2a et 2b) sont réalisées. 

Photo 1 : projection latérale droite de l’abdomen montrant une lésion thoracique

Photo 2a : projection latérale droite du thorax

Photo 2b : projection ventrodorsale du thorax 

Quelles anomalies radiographiques observez-vous ?  

On note un élargissement de la silhouette cardiaque d’opacité hétérogène graisseuse et tissulaire (flèches). Les contours du foie ne sont pas visibles dans l’abdomen cranial avec déviation craniale de l’axe gastrique (ligne bleue). 

En conclusion, on observe une cardiomégalie d’opacité hétérogène associée à une malposition des organes abdominaux, notamment du foie. 

Photo 3 : projection latérale droite de l’abdomen montrant l’opacité hétérogène de la silhouette cardiaque et la déviation craniale de l’axe gastrique

Photo 4a : projection latérale droite du thorax montrant la cardiomégalie hétérogène et la malposition du foie 

Photo 4b : projection ventrodorsale du thorax montrant la cardiomégalie (>2/3 largeur thoracique) 

Quelles sont les hypothèses diagnostiques ? 

La cardiomégalie hétérogène associées à des zones d’opacité tissulaire et graisseuse superposées à la silhouette cardiaque et la malposition des organes abdominaux sont caractéristiques d’une hernie phrénico-péricardique. Il est parfois possible d’observer des anses digestives contenant du gaz superposées à la silhouette cardiaque (1). Dans le cas du chat de notre étude, les zones plus radio-transparentes sont dues à la présence de graisse omentale ou du ligament falciforme (2). 

Une hernie phrénico-péricardique se définit par une communication entre le péritoine et le sac péricardique. Les organes abdominaux peuvent donc se retrouver dans la cavité péricardique. Cette malformation résulte d’un défaut de développement congénital du diaphragme dû au mauvais développement du septum transverse (structure embryologique qui forme la portion ventrale du diaphragme) ou à un défaut de fusion du septum transverse avec les replis pleuropéritonéaux (structures embryologiques formant la portion dorso-latérale du diaphragme) (3). 

Chez l’humain, les hernies phrénico-péricardiques peuvent résulter d’un trauma, mais chez le chat et le chien, le péricarde et le diaphragme ne sont pas connectés, ainsi, il est très peu probable qu’un trauma puisse causer une hernie phrénico-péricardique chez ces animaux (4). 

Quelle prise en charge proposeriez-vous ? 

La hernie phrénico-péricardique est une anomalie peu fréquente, pour laquelle les Braques de Weimar et les Maine coon sont plus à risque (4). On note des taux de prévalence faible dans la population globale, évalués à 0.062% chez le chat, 0.015% chez le chien. En permettant le passage d’organes abdominaux dans le sac péricardique, elle peut aboutir à une tamponnade cardiaque, des dysfonctionnements du système respiratoire, une obstruction du tractus digestif, une torsion de la vésicule biliaire ou un entrappement splénique ou hépatique (5). 

Les signes cliniques d’appel peuvent concerner le système digestif, le système cardiovasculaire ou le système respiratoire et incluent l’anorexie, de l’abattement, des vomissements, de la diarrhée, une perte de poids, de la dyspnée, de l’intolérance à l’effort, et/ou des douleurs post-prandiales. Les animaux atteints sont aussi très souvent asymptomatiques et la hernie phrénico-péricardique peut donc constituer une découverte fortuite (6). 

Dans plusieurs études, il est rapporté que les chats ont plutôt tendance à montrer des signes respiratoires (tachypnée, dyspnée), alors que les chiens présentent plutôt des signes digestifs (vomissements d’apparition aiguë, principalement). Dans une étude de 2010, un segment d’intestin grêle était hernié chez 29% des chats, contre 50% des chiens, ce qui pourrait expliquer la fréquence plus élevée de troubles digestifs dans cette espèce (4). 

A l’examen clinique, des bruits cardiaques assourdis sont la découverte la plus fréquemment rapportée (3), et il a été noté que les organes les plus communément herniés sont le foie, la vésicule biliaire, l’intestin grêle, et qu’en particulier, le foie était l’organe le plus fréquemment hernié chez le chat (4). 

La hernie phrénico-péricardique peut être diagnostiquée grâce aux radiographies thoraciques, mais un examen échographique peut se révéler utile pour visualiser les organes abdominaux herniés dans le sac péricardique, et confirmer le diagnostic en écartant un épanchement péricardique ou une myocardiopathie. Par ailleurs, il a été décrit une association entre les hernies phrénico-péricardiques et la polykystose rénale, une échographie abdominale peut donc être recommandée (6). Les hernies phrénico-péricardiques sont également fréquemment associées à une autre anomalie congénitale. Chez 57% des chiens et 23% des chats présentant une hernie phrénico-péricardique, on peut observer une hernie ombilicale, une hernie de la paroi abdominale crâniale à l’ombilic, ou des malformations sternales (5). 

La prise en charge des hernies phrénico-péricardiques peut être conservatrice ou chirurgicale. Dans ce dernier cas, le défaut diaphragmatique peut être élargi si nécessaire, afin de replacer les organes herniés dans la cavité abdominale. Des adhérences peuvent être présentes et devront être coupées. Le sac péricardique n’est pas refermé mais l’air doit être retiré de celui-ci et/ou de la cavité pleurale après avoir suturé le diaphragme. Des drains thoraciques peuvent être mis en place afin de prendre en charge un éventuel pneumothorax ou épanchement thoracique secondaire (6). 

Cette intervention chirurgicale présente un bon pronostic puisque dans une étude portant sur 39 animaux ayant reçu une prise en charge chirurgicale, on rapporte des taux de mortalité de 3.2% chez le chat et 12.5% chez le chien durant les deux semaines post-chirurgicales. Cependant, pour assurer les meilleures chances de survie, l’utilisation d’une ventilation artificielle pendant l’opération chirurgicale est nécessaire. Les décès des chats inclus dans cette étude sont suspectés comme étant dus à des complications d’une cardiomyopathie hypertrophique précédemment diagnostiquée. Les auteurs rapportent, par ailleurs, qu’un chien de leur étude est décédé suite à un arrêt cardiorespiratoire le lendemain de la chirurgie, mais dans ce cas-ci, l’animal avait été présenté pour des épisodes brutaux de perte de conscience, et une cause spécifique de ces symptômes n’avait pas été identifiée et pourrait ne pas être liée à la hernie phrénico-péricardique (4). 

Les complications de cette intervention chirurgicale sont souvent mineures, on observe notamment des épisodes d’hyperthermie transitoire. Dans une étude où cette complication était assez fréquente, les auteurs indiquent que chez l’Homme, il a été rapporté que de nombreux patients présentent des épisodes d’hyperthermie transitoire similaires après avoir  subi des chirurgies hépatiques importantes. La cause de ces épisodes d’hyperthermie est inconnue. Ils notent par ailleurs qu’une complication grave de la chirurgie est l’œdème pulmonaire de ré-expansion. Ils rapportent un cas dans leur étude, qui a été euthanasié 4 heures après l’opération chirurgicale (3). Le lien entre correction chirurgicale de hernie phrénico-péricardique et œdème pulmonaire de ré-expansion n’est pas élucidé à ce jour. En effet, la distension péricardique associée aux hernies phrénico-péricardiques ne semble pas être capable de provoquer une atélectasie chronique du parenchyme pulmonaire, et lors de péricardiocentèses dans le cadre d’un épanchement péricardique chronique, des œdèmes pulmonaires de ré-expansion n’ont jamais été décrits à la connaissance des auteurs (4). 

L’option chirurgicale n’est donc pas sans risques, et le traitement conservateur (prise en charge symptomatique uniquement) a donc été comparé à la chirurgie dans plusieurs études. Dans une étude de 2013, 34 animaux ont subi une correction chirurgicale de hernie phrénico-péricardique. Les animaux les plus fréquemment opérés étaient ceux qui présentaient des signes cliniques associés à la hernie phrénico-péricardique ou ceux qui présentaient des anses digestives herniées. Ces animaux ont présenté une mortalité à court terme de 8.8%, avec des signes cliniques résolus chez 85% des animaux traités chirurgicalement. Aucune différence significative entre animaux traités chirurgicalement et de manière conservative n’a été détectée dans les taux de survie à long terme. Les auteurs concluent donc qu’il semble approprié de proposer une prise en charge chirurgicale si l’animal présente des symptômes associés à cette pathologie, mais pas forcément si la hernie phrénico-péricardique est une découverte fortuite (5). 

De plus, dans une étude de Reimer et de son équipe, il est noté que la satisfaction globale des propriétaires d’animaux présentant une hernie phrénico-péricardique est plus basse chez les personnes ayant choisi un traitement conservateur, car les signes cliniques peuvent apparaître ou s’aggraver au cours du temps. En effet, avec le temps, différents organes peuvent être herniés, ou les organes déjà herniés peuvent subir des pressions différentes et ainsi provoquer des signes cliniques plus sévères. Dans leur étude, deux des individus traités de manière conservatrice ont présenté une évolution des signes cliniques nécessitant une intervention chirurgicale ou résultant en la mort de l’animal. Ces cas prouvent la nécessité d’une surveillance rapprochée des animaux présentant une hernie phrénico-péricardique et expliquent un état d’inquiétude des propriétaires ayant opté pour un traitement conservateur, justifiant ainsi leur satisfaction moindre que celle des propriétaires ayant choisi une prise en charge chirurgicale (3). 

Dans le cas du chat présenté ici, une prise en charge chirurgicale de la hernie phrénico-péricardique a été décidée. L’opération s’est bien déroulée et a permis la résolution des vomissements. 

Bibliographie :  

  1. DENNIS R., KIRBERGER R. (2010) Handbook of Small Animal Radiology and Ultrasound – 2nd Edition
  1. THRALL D.E. (Éd.) (2018) Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology (Seventh Edition)
  1. REIMER S., KYLES A., FILIPOWICZ D., GREGORY C. (2004) Long-term outcome of cats treated conservatively or surgically for peritoneoplericardial diaphragmatic hernia: 66 Cases (1987-2002). Journal of the American Veterinary Medical Association 224, 728 32 
  1. BANZ A., GOTTFRIED S. (2010) Peritoneopericardial Diaphragmatic Hernia: A Retrospective Study of 31 Cats and Eight Dogs. Journal of the American Animal Hospital Association 46, 398 404 
  1. BURNS C.G., BERGH M.S., MCLOUGHLIN M.A. (2013) Surgical and nonsurgical treatment of peritoneopericardial diaphragmatic hernia in dogs and cats: 58 cases (1999-2008). J Am Vet Med Assoc 242(5), 643 650 
  1. FOSSUM T.W. (2012) Small Animal Surgery, 4th Edition.